Re: Programme conservation-diffusion
Publié : mer. 18 mai 2016 15:03
Salut,
Yves, je comprends ton niveau d'exigence et je suis bioen d'accord avec toi, mais n'oublie pas que ce sont des amateurs qui n'ont pas tes ou mes bagages scientifiquesd
Une correction (récurrente dans le monde aquariophile) pour Mauri : arrêtez de parler de biotope ceci ou cela... Un biotope Tanganyika ne veut rien dire... Un biotope est la partie physique et minérale d'un écosystème (l'eau, les rochers, le sable). La biocénose est l'ensemble des êtres vivants qui le peuplent (animaux, plantes, mais aussi protistes, bactéries, virus, champignons, etc...). En aquarium, on ne fait pas un biotope amazonien, on (re-)crée une communauté piscicole amazonienne ou une communauté de poissons pétricoles du Tanganyika. Dans la nature, on parle de peuplement piscicole. Parler de l'écosystème du lac Tanganyika a un sens car on parle de l'ensemble biocénoses (insectes plantes, poissons, oiseaux...) + biotopes (rocheux, sableux, vaseux, pleine eau, etc.).
Perso, me frottant depuis pas mal d'année à la conservation en captivité, je dois dire que ma vision des choses a beaucoup évolué, surtout les dernières années suite aux problèmes rencontrés par l'asso.
En ce qui concerne la conservation in situ, le principal enjeu est de conserver la fonctionnalité des écosystèmes, même lorsqu'ils sont altérés. De nombreuses études montrent que plus un écosystème est simple moins il est résilient. C'est à dire qu'un écosystème pauvre an espèces sera plus facilement déséquilibré par des pollutions, des espèces invasives ou des destructions d'habitats. Or écosystème déséquilibré rime avec proliférations d'espèces (souvent "nuisibles"), désertification, perte de productivité (pour la pêche ou la chasse), dégradation des sols, etc. Sans oublier les services que peuvent rendre nombre d'espèces dans le domaine médical notamment. Compte-tenu des changements globaux (pas seulement climatiques) qui s'opèrent aujourd'hui, la préservation de la biodiversité est donc primordiale pour assurer l'avenir de l'humanité. Pour parler des espèces domestiquées, nombre de races souffrent aujourd'hui de leur pauvreté génétique consécutive à des sélections trop poussées par l'homme. Les populations sauvages peuvent permettre de restaurer cette diversité, voir de créer de nouvelles races domestiques plus vigoureuses, ou mieux adaptées aux futurs changements environnementaux. Accessoirement, les gens qui vivent dans ou à proximité d'espaces naturels préservés sont moins stressés, plus heureux et vivent plus longtemps... La nature est source d'épanouissement, faut pas l'oublier non plus.
Pour les aquariophile, la conservation in situ des écosystèmes situés à des milliers de kilomètres est difficile. Mais pas impossible. Cela passe principalement par une aquariophilie responsable et durable : arrêter d'acheter des Pseudotropheus saulosi par exemple à cause de la surpêche. Mais aussi acheter à des commerçants qui se fournissent chez des pêcheurs respectueux des ressources (j'ai l'impression que ça se met en place petit à petit sur le Tanganyika). Je me souviens avoir lu il y a quelques années un article sur le cas de la rivière Moliwe au Nigeria, entièrement située dans une plantation d'huile de palme) d'où des poissons sont plus ou moins régulièrement exportés. Dans la mesure où les habitants ont compris l'importance de leur ressource (source de nourriture et d'argent via les exportations), ils la protègent. Ils parlaient d'un mec venu d'ailleurs qui a empoisonné un bras de la rivière pour y récupérer tous les poissons. Il s'était fait lyncher et s'est retrouvé interdit de séjour dans la zone...
En ce qui concerne la conservation ex situ en captivité, c'est plus difficile à étayer. Relâcher des poissons issus d'élevage dans la nature me parait très aléatoire, voire risqué si ce n'est pas contrôlé par des scientifiques compétents. Sans oublier les coûts élevés liés à de telles opérations et le fait qu'on n'est pas chez nous là-bas (législation des pays concernés, perception des populations locales... le colonialisme est fini !). Des opérations locales comme celles en cours à Madagascar me paraissent plus prometteuses.
Cela peut être pour épauler les scientifiques qui manquent de temps, d'argent et de personnels pour conserver les poissons qu'ils étudient. Dans ce cas, le deal est que les aquariophiles disposent de poissons introuvables via le commerce et en échange fournissent les chercheurs quand ils ont besoin de telle ou telle espèce. J'y ai cru un temps. Aujourd'hui, je suis beaucoup plus réservé quand à la possibilité d'une telle démarche à cause malheureusement de la cupidité de pas mal d'amateurs.
Cela peut aussi être conserver des espèces difficiles à trouver (car protégées, rares, très menacées dans la nature, vivant dans des zones de conflits ou simplement dangereuses...) juste pour le fun. La perspective de lois de plus en plus contraignantes vis-à-vis des importations devraient inciter nombre d'aquariophiles à se poser la question... Je suis toujours content de voir que des aquariophiles prennent conscience que beaucoup de leurs poissons subissent des menaces croissantes dans la nature, dont parfois l'aquariophilie elle-même.
Cela peut-être aussi sortir d'une logique consumériste où on se contente de rajouter des poissons dans son bac chaque fois qu'on a des morts. L'objectif est alors de tenter de maintenir des espèces sur plusieurs générations (sans dégénérescence), le plus longtemps possible.
Maintenir des espèces en captivité parce qu'elles ne peuvent plus se maintenir dans la nature, est louable en soi, en particulier pour les espèces remarquables, mais ne pourra durer éternellement (populations trop petites) et coute très cher pour au final ne toucher qu'assez peu d'espèces. Et puis ça ne peut pas marcher pour toutes les espèces (ex la baleine bleue...).
Bref, il y a pas mal de raisons qui peuvent pousser à faire de la conservation et je ne pense pas qu'il y ait une seule raison de s'y opposition si c'est fait sérieusement.
Par contre, quand je lis "la préservation est un SACERDOCE, c'est un dévouement total et vital pour notre survie.", je ne suis pas d'accord du tout. La conservation en aquariophilie doit avant tout rester un plaisir. D'une part un amateur ne peut pas conserver toutes les espèces... rien que pour les cichlidés, on parle de milliers d'espèces, sans compter toutes les variantes géographiques... D'autre part, j'ai déjà vu à plusieurs reprises où mène la conservation d'une espèce qu'on n'aime pas particulièrement... Systématiquement à un échec, par négligence, par manque de soin, par désintérêt... Il ne faut conserver que des espèces qu'on aime maintenir et que l'on peut maintenir à long terme, en sortant des effets de mode. Et le fait de conserver quelques espèces dans son aquarium ne changera pas la survie de l'humanité... bien au contraire vu que l'eau, l'électricité, la nourriture, etc. qu'on consomme pour cette conservation viennent s'ajouter à la facture écologique...
Voilà un bout de mes réflexions...
Séb
Yves, je comprends ton niveau d'exigence et je suis bioen d'accord avec toi, mais n'oublie pas que ce sont des amateurs qui n'ont pas tes ou mes bagages scientifiquesd
Une correction (récurrente dans le monde aquariophile) pour Mauri : arrêtez de parler de biotope ceci ou cela... Un biotope Tanganyika ne veut rien dire... Un biotope est la partie physique et minérale d'un écosystème (l'eau, les rochers, le sable). La biocénose est l'ensemble des êtres vivants qui le peuplent (animaux, plantes, mais aussi protistes, bactéries, virus, champignons, etc...). En aquarium, on ne fait pas un biotope amazonien, on (re-)crée une communauté piscicole amazonienne ou une communauté de poissons pétricoles du Tanganyika. Dans la nature, on parle de peuplement piscicole. Parler de l'écosystème du lac Tanganyika a un sens car on parle de l'ensemble biocénoses (insectes plantes, poissons, oiseaux...) + biotopes (rocheux, sableux, vaseux, pleine eau, etc.).
Perso, me frottant depuis pas mal d'année à la conservation en captivité, je dois dire que ma vision des choses a beaucoup évolué, surtout les dernières années suite aux problèmes rencontrés par l'asso.
En ce qui concerne la conservation in situ, le principal enjeu est de conserver la fonctionnalité des écosystèmes, même lorsqu'ils sont altérés. De nombreuses études montrent que plus un écosystème est simple moins il est résilient. C'est à dire qu'un écosystème pauvre an espèces sera plus facilement déséquilibré par des pollutions, des espèces invasives ou des destructions d'habitats. Or écosystème déséquilibré rime avec proliférations d'espèces (souvent "nuisibles"), désertification, perte de productivité (pour la pêche ou la chasse), dégradation des sols, etc. Sans oublier les services que peuvent rendre nombre d'espèces dans le domaine médical notamment. Compte-tenu des changements globaux (pas seulement climatiques) qui s'opèrent aujourd'hui, la préservation de la biodiversité est donc primordiale pour assurer l'avenir de l'humanité. Pour parler des espèces domestiquées, nombre de races souffrent aujourd'hui de leur pauvreté génétique consécutive à des sélections trop poussées par l'homme. Les populations sauvages peuvent permettre de restaurer cette diversité, voir de créer de nouvelles races domestiques plus vigoureuses, ou mieux adaptées aux futurs changements environnementaux. Accessoirement, les gens qui vivent dans ou à proximité d'espaces naturels préservés sont moins stressés, plus heureux et vivent plus longtemps... La nature est source d'épanouissement, faut pas l'oublier non plus.
Pour les aquariophile, la conservation in situ des écosystèmes situés à des milliers de kilomètres est difficile. Mais pas impossible. Cela passe principalement par une aquariophilie responsable et durable : arrêter d'acheter des Pseudotropheus saulosi par exemple à cause de la surpêche. Mais aussi acheter à des commerçants qui se fournissent chez des pêcheurs respectueux des ressources (j'ai l'impression que ça se met en place petit à petit sur le Tanganyika). Je me souviens avoir lu il y a quelques années un article sur le cas de la rivière Moliwe au Nigeria, entièrement située dans une plantation d'huile de palme) d'où des poissons sont plus ou moins régulièrement exportés. Dans la mesure où les habitants ont compris l'importance de leur ressource (source de nourriture et d'argent via les exportations), ils la protègent. Ils parlaient d'un mec venu d'ailleurs qui a empoisonné un bras de la rivière pour y récupérer tous les poissons. Il s'était fait lyncher et s'est retrouvé interdit de séjour dans la zone...
En ce qui concerne la conservation ex situ en captivité, c'est plus difficile à étayer. Relâcher des poissons issus d'élevage dans la nature me parait très aléatoire, voire risqué si ce n'est pas contrôlé par des scientifiques compétents. Sans oublier les coûts élevés liés à de telles opérations et le fait qu'on n'est pas chez nous là-bas (législation des pays concernés, perception des populations locales... le colonialisme est fini !). Des opérations locales comme celles en cours à Madagascar me paraissent plus prometteuses.
Cela peut être pour épauler les scientifiques qui manquent de temps, d'argent et de personnels pour conserver les poissons qu'ils étudient. Dans ce cas, le deal est que les aquariophiles disposent de poissons introuvables via le commerce et en échange fournissent les chercheurs quand ils ont besoin de telle ou telle espèce. J'y ai cru un temps. Aujourd'hui, je suis beaucoup plus réservé quand à la possibilité d'une telle démarche à cause malheureusement de la cupidité de pas mal d'amateurs.
Cela peut aussi être conserver des espèces difficiles à trouver (car protégées, rares, très menacées dans la nature, vivant dans des zones de conflits ou simplement dangereuses...) juste pour le fun. La perspective de lois de plus en plus contraignantes vis-à-vis des importations devraient inciter nombre d'aquariophiles à se poser la question... Je suis toujours content de voir que des aquariophiles prennent conscience que beaucoup de leurs poissons subissent des menaces croissantes dans la nature, dont parfois l'aquariophilie elle-même.
Cela peut-être aussi sortir d'une logique consumériste où on se contente de rajouter des poissons dans son bac chaque fois qu'on a des morts. L'objectif est alors de tenter de maintenir des espèces sur plusieurs générations (sans dégénérescence), le plus longtemps possible.
Maintenir des espèces en captivité parce qu'elles ne peuvent plus se maintenir dans la nature, est louable en soi, en particulier pour les espèces remarquables, mais ne pourra durer éternellement (populations trop petites) et coute très cher pour au final ne toucher qu'assez peu d'espèces. Et puis ça ne peut pas marcher pour toutes les espèces (ex la baleine bleue...).
Bref, il y a pas mal de raisons qui peuvent pousser à faire de la conservation et je ne pense pas qu'il y ait une seule raison de s'y opposition si c'est fait sérieusement.
Par contre, quand je lis "la préservation est un SACERDOCE, c'est un dévouement total et vital pour notre survie.", je ne suis pas d'accord du tout. La conservation en aquariophilie doit avant tout rester un plaisir. D'une part un amateur ne peut pas conserver toutes les espèces... rien que pour les cichlidés, on parle de milliers d'espèces, sans compter toutes les variantes géographiques... D'autre part, j'ai déjà vu à plusieurs reprises où mène la conservation d'une espèce qu'on n'aime pas particulièrement... Systématiquement à un échec, par négligence, par manque de soin, par désintérêt... Il ne faut conserver que des espèces qu'on aime maintenir et que l'on peut maintenir à long terme, en sortant des effets de mode. Et le fait de conserver quelques espèces dans son aquarium ne changera pas la survie de l'humanité... bien au contraire vu que l'eau, l'électricité, la nourriture, etc. qu'on consomme pour cette conservation viennent s'ajouter à la facture écologique...
Voilà un bout de mes réflexions...
Séb